Le Championnat Européen du VC game : Les exits par pays 🇪🇺
Quelles sont les startups VC-backed qui ont réussi une sortie à plus de $1 milliard ? Quels sont les pays d'Europe les plus performants ? Qui sont les VCs qui ont bénéficié de ces succès ?
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Retrouvez cette analyse sur le podcast de Sébastien Couasnon : Tech45’
Depuis quelques mois je pose systématiquement à mes interlocuteurs la question suivante :
“Sur les 20 dernières années, quelles sont les entreprises françaises VC-backed qui ont fait une sortie de plus de 1 milliard d’euros ?”.
Une question simple et pourtant personne n’a encore su y répondre.
D’ailleurs vous qui lisez ces premières lignes, connaissez-vous la réponse ?
Pas facile, n’est-il pas ?
La réponse est Criteo, qui a été introduit en bourse au Nasdaq en 2013, au prix de $1,7Md, alors qu’ils n’avaient levé que $60M auprès des VCs. À noter qu’Elaia et Eurazeo avaient été leurs heureux early investisseurs.
Mais aussi Believe, qui est sortie à plus de €1,9Md à l’Euronext Paris. XAnge a signé le premier chèque de €2M. Puis Ventech la series A de €4M. Puis une series B et C pour un total de €166M.
Pour finir, Kyriba créée en 2000, qui a levé plus de $149M au total et avait fait rentrer IRIS à son capital en 2010. Elle a été rachetée par Bridgepoint pour $1,2Md en 2019.
La North Star du VC game : les exits à plus de $ 1 millard
J’ai posé la question à plus de 100 personnes et jamais personne n’a su me répondre exactement.
Je ne parle pas d’entrepreneurs débutants, car dans le lot il y avait des business angels, des VCs, des entrepreneurs financés par les VCs, des entrepreneurs récidivistes, des accompagnateurs de startups et de nombreux experts du monde des startups.
Je ne m’attendais pas à un tel résultat et cela a commencé à m’inquiéter. Pourquoi personne ne se soucie de cette question ? Comment se fait-il que nous n'ayons pas le réflexe de se poser cette question ? Ne nous manquerait-il pas une “north star” pour bien mesurer si notre écosystème va dans la bonne direction ?
La performance financière est la clé de voûte du VC game. De l’argent est investi très tôt dans le cycle de vie des entreprises, pour qu’au final il soit recyclé en plus-value, qui en grande partie sera de nouveau injectée dans le système pour financer d’autres entreprises. Ainsi le nombre d’exits de startups VC-backed est comme les points que l’on compte pour une compétition sportive. C’est en regardant ce genre de data que l’on peut analyser la santé économique et la compétitivité de notre écosystème.
La réponse type que j’ai reçue a été la suivante : “C’est facile, sans réfléchir je pense à Doctolib ! Payfit ! Qonto !... Il y en a plein !”. Dans 80% des cas, les licornes françaises venaient en tête de mes interlocuteurs. Et lorsque je précisais que dans ma question je parlais des “exits” et non de la valorisation du dernier tour, il y avait alors comme un silence, une prise de conscience et pour certain une espèce de dissonance cognitive désagréable.
Pour conclure la discussion je posais une dernière question : “Selon toi, un jeune talent qui a le potentiel de devenir le prochain Mbappé connaît-il par cœur les équipes qui ont remporté la Coupe du Monde de football ces 20 dernières années ?”. Et chaque fois tout le monde était d’accord que pour être performant il faut connaître qui ont été les champions qui nous ont précédés. Sans connaître nos classiques on ne peut relever le niveau et être à la hauteur de l’enjeu.
“Selon toi, un jeune talent qui a le potentiel de devenir le prochain Mbappé connaît-il par cœur les équipes qui ont remporté la Coupe du Monde de football ces 20 dernières années ?”
J’ai alors pris conscience que le mal de notre écosystème startup était plus profond que ce que je pensais et que le narratif qui s’est propagé, qui a consisté à ne mettre que le focus sur les licornes et parler d’innovation, nous a détournés de la vraie priorité qu’est la performance financière. Ce narratif de l’innovation nous a fait baisser la garde et nous avons développé un effet d’optique qui risque d’affecter durablement notre compétitivité entrepreneuriale sur la scène mondiale.
Ne serait-il pas le moment de balayer devant nos portes et de se remonter les bretelles pour développer un écosystème plus compétitif ?
Est-ce que la Frenchtech est compétitive ?
D’après les échos que nous renvoient les médias et la visibilité quasi quotidienne des startups dans leurs projecteurs, on peut avoir l’impression que tout va bien en France. Si tout le monde en parle, que l’on entend que des milliers de startups lèvent de l’argent, alors c’est que le système fonctionne bien. On raconte que les meilleurs ingénieurs sont français, les plus grands spécialistes de l’AI sont chez nous, qu’on a créé des dizaines de licornes et d’entrepreneurs milliardaires d’après Challenges.
Alors pourquoi se poser la question de la compétitivité de notre écosystème des startups ? Tout semble aller très bien.
En adoptant une perspective européenne et en déplaçant le point focal de notre analyse, on réalise rapidement que la situation est moins flatteuse.
Tout d’abord, dans tous les pays d’Europe, en particulier les Nordics, UK et l’Allemagne, le discours est le même dans les médias. Tout le monde se félicite de l’apparent succès de leur écosystème entrepreneurial. Tous ces pays ont créé de nombreuses licornes, les gouvernements injectent beaucoup d’argent pour booster l’innovation et tout le monde admire ces iconiques fondateurs de startups en chemin pour devenir multimillionnaires.
🤷♀️ Nous ne sommes pas les seuls en France à avoir un écosystème dynamique apparemment.
Ce qui est très inquiétant c’est lorsque l’on sort les chiffres et que l’on compare les pays. Le sujet n’est pas le nombre de licornes, mais le nombre de sorties performantes. Est-ce que la France est compétitive sur ce sujet ? Avons-nous autant de sorties à plus d’un milliard que nos voisins européens ?
Malheureusement l’écosystème français n’est qu’à la 10ème place en termes de montant total des sorties : 5 milliards $.
Il est aussi à la 5ème position en terme du nombre de sorties avec 3 sorties.
Nous sommes largement devancés par L’Allemagne, les UK et la Suède, non seulement en montant total, où la France fait 10 fois moins bien ($50Md), mais aussi au niveau du nombre de sorties, où L’Allemagne et les UK font 5 fois mieux que nous (15 sorties).
Qui sont les VCs qui ont bénéficié de ces succès ?
#1 - Index Ventures 🇬🇧
Index Ventures est incontestablement le fonds VCs qui a eu le plus de succès. Ils avaient investi très tôt dans 12 startups qui ont fait une sortie à plus de 1 milliard $.
La liste est pléthorique : Wise 🇬🇧, Deliveroo 🇬🇧, Funding Circle 🇬🇧, Deposit Solutions 🇩🇪, King.com 🇸🇪, IZettle 🇸🇪, Just Eat 🇩🇰, Adyen 🇳🇱, Elastic 🇳🇱, Farfetch 🇵🇹, Criteo 🇫🇷 et Skype 🇪🇪.
#2 - Accel 🇺🇸
Accel est bien sûr en bonne position et c’est bien normal leur équipe basée à Londres rayonne sur toute l’Europe. Ils ont eu 6 startups qui on fait de belles sorties : UIpath 🇷🇴, Supercell 🇫🇮, Deliveroo 🇬🇧, Flywire 🇪🇸, Letgo 🇪🇸 et Forgerock 🇧🇻.
NB #1 : Accel était aussi investisseur dans Spotify, mais au moment de la series B de 100M€, donc investisseur “late stage”.
#3 - HV Capital 🇩🇪
Basé à Munich, HV Capital est le fonds qui a le plus de sorties à plus de $1Md en Allemagne. Ils ont eu la chance de participer aux premiers tours de 5 startups : Delivery Hero 🇩🇪, Zalando 🇩🇪, CityDeal 🇩🇪, HelloFresh 🇩🇪 et Depop 🇮🇹.
#4 - IRIS 🇫🇷 Creandum 🇸🇪 Northzone 🇸🇪 Hoxton 🇬🇧
Ces quatre fonds VCs ont eu chacun 3 investissements bien placés dans de très belles sorties. À noter que le fonds franco-allemand IRIS est aux côtés de très grands noms du ventures européens, en particulier Creandum et Northzone.
IRIS 🇫🇷 : LeanIX, Adjust et Kyriba.
Creandum 🇸🇪 : Spotify, IZettle et Kahoot.
Northzone 🇸🇪 : Spotify, Trustpilot et Kahoot.
Hoxton 🇬🇧 : Darktrace, Deliveroo et Babylon Health
Les fonds français
IRIS n’est pas le seul fonds français à avoir eu des startups qui sont sorties à plus de 1 milliard $.
XAnge est en très bonne position, car ils ont encaissé un chèque de €150M lors de la sortie de Believe. (À noter qu’XAnge a aussi sorti sa position dans Odoo en 2021 lors du gros tour mené par Summit Partners, valorisant la startup à $2,3Md).
Ventech a fait de même, car ils étaient aussi investisseurs dans Believe.
Elaia et Eurazeo ont eu la chance de se positionner très tôt dans Criteo.
Pourquoi ces pays sont si performants ?
💂 Je dirais que tous les chemins mènent à Londres.
Londres a été bien plus dynamique que la France à ces débuts. Ils ont pris une longueur d’avance, une belle échappée.
🇪🇺 Ce n’est pas grâce au gouvernement, ni les lois de défiscalisation pour les BAs qui ont permis un tel dynamisme, ou même la City, mais la dynamique européenne qui se jouait pleinement aux UK et en particulier à Londres, le point de gravité de la mouvance tech et entrepreneurial européenne.
Londres était en 2010 une ville de 8 millions d’habitants. Elle attirait depuis des années des millions de personnes venues de toute l’Europe, dont les pays Baltes, la Pologne, mais aussi beaucoup d’Italiens, d’Espagnol et de Portugais, ainsi que pas mal de Français. Tout le monde était à la recherche d’un job, car c’était facile d’en trouver un ; de l’immigration économique pur jus. Aujourd’hui 34% des habitants de Londres ne sont pas nés dans le pays. L’anglais comme seul langue pour unir tous le monde.
À cette même époque, autour de 2010, en France Loic et Géraldine Le Meur organisaient la grande conférence internationale Le Web. Cependant à Londres l’iconique Mike Butcher organisé aussi GeeknRolla, certes plus petit, moins ambitieux, avec comme particularité la présence massive d’entrepreneurs et investisseurs des Nordics, dont le Danemark, Suède, Finland, et surtout les pays Baltes. Le Web a été revendu en 2012 puis et à perdu son momentum, GeeknRolla s’est effacé pour laisser la place au Web Summit, qui a eu une grosse empreinte européenne (Dublin et Lisbonne).
D’ailleurs les fonds VCs qui ont fait les meilleurs investissements sont basés à Londres : Index Ventures et Accel.
Le cas de Wise est emblématique, car c’est une entreprise créée par une équipe 100% estonienne 🇪🇪 (Kristo Käärmann & Taavet Hinrikus), qui a lancé cette aventure dès les premiers jours depuis Londres. Ce n’est pas la seule startup qui a profité de l’écosystème londonien, Depop 🇮🇹 et Farfetch 🇵🇹 ont commencé leur aventure dans leur pays d’origine, mais rapidement ils ont déménagé à Londres pour accélérer leur ambition.
Comment peut-on rectifier le tir et faire de la France un pays compétitif ?
La solution est assez simple : parler anglais 🗣
Donc ne pas faire comme moi et ce contenu, il faudrait que l’on passe tous à systématiquement communiquer en anglais. Ne pas avoir honte de notre accent français. Être plus discipliné pour utiliser l’anglais comme langue pour partager nos connaissances.
🚂 Il faudrait aussi prendre plus le train pour régulièrement vivre chez nos cousins européens. Passer du temps à Amsterdam, Londres, Berlin, Milan, Madrid ou Barcelone, Stockholm, Copenhague, Tallinn, Dublin…
💸 Pas besoin d’injecter plus de capital dans le système, il y en a assez.
🪖 Pas besoin non plus de saturer les ondes avec un message Frenchtech et d’entretenir les guerres d’ego entre régions et contre l’hégémonie parisienne.
Si vous voulez avoir accès à la base de données de l’étude envoyée mon email : julien@mighty9.co
Vous retrouverez les slides de l’étude en allant sur mon dernier post Linkedin.
Cette étude n’aurait jamais pu être réalisée sans Dealroom, un outil indispensable pour préparer votre roadshow investisseur et vous familiariser avec le VC-game. Via ce LIEN vous pourrez avoir un accès gratuit de 6 mois, donc ne perdez pas de temps pour vous inscrire !
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