💰Le potentiel de levée de fonds maximum : la pièce manquante du "financement de l'innovation"
Le financement d'une entreprise est capé en fonction de la sortie qu'elle pourrait réaliser. Il y a une corrélation entre l’argent levé et la sortie. Comment le définir ?
Comment développer un projet innovant sans soutien financier ?
C’est la faute des investisseurs
On entend souvent les entrepreneurs et leurs entourages se plaindre de l’ingratitude des investisseurs, qui coûte souvent la vie à de nombreuses entreprises dites innovante (aka startup).
Les investisseurs “early stage” sont vus comme des gens irresponsables et sans cœur, voir sans conviction, ils ne comprennent pas l’innovation, ils ne prennent donc pas de risque sur les sujets technologique et R&D, car ils sont plus des “gambler” assoiffé d’argent, que des gens sérieux qui auraient comme mission d’investir dans les projets les plus méritants.
Mais est-ce la vérité ?
C’est un point de vue exagéré. Je pense que la frustration de ne pas être sélectionné par les VCs pousse souvent les entrepreneurs et leurs proches à prendre le chemin facile en blâmant les investisseurs pour leurs déceptions.
Une entreprise “innovante” quésaco ?
Comme moi, vous avez tous entendu la réflexion qui consiste à se demander “mais comment développer un projet innovant sans soutien financier ?”.
Est-ce qu’une entreprise dite “innovante” mériterait plus qu’une autre entreprise (non innovante) d’avoir un coup de pouce financier pour se lancer ? Sur quels critères peut-on faire une telle discrimination ? Et surtout pourquoi l’une mériterait plus que l’autre ? (Je m’interrogeais déjà en 2017 : Startup, entreprise et innovation : il faut arrêter la confusion !)
OK je fais le naïf avec mes questions, car un projet dit “innovant” est différent du fait qu’il y a une contrainte d'exploration lourde et risquée. Difficile de monter une entreprise en mode autofinancé, lorsqu’il y a de nombreuses inconnues, dont 4 essentiels :
Au niveau scientifique, peut-on dépasser les frontières du possible ? Par exemple l’ordinateur quantique.
Au niveau produit, est-il possible d’encapsuler la découverte scientifique et de la rendre utilisable par le futur client ? Est-ce que le design du “système” répond à un problème sans trop de charge mentale pour l’utilisateur ?
Au niveau “sales & marketing”, y a-t-il un vrai marché, qui permet une acquisition et une rétention client qui ne soit pas trop onéreuse (viable unit economics) et permet de faire une marge net confortable ?
Au niveau marché, y a-t-il de la place pour plusieurs acteurs ? Est-ce que l’entreprise peut devenir leader ? Quelle est la taille du marché ?
Face à ces contraintes de nombreuses idées reçues se sont développées dans l’écosystème Frenchtech, mais aussi dans les tous les écosystèmes entrepreneuriaux, et pas que ceux dits “innovant” (merci l’émission “Qui Veut Être Mon Associé” qui a propagé le virus galvaudé de l’investissement à tous les entrepreneurs). La principale idée reçue est qu’une “startup”, qui donc “innove” (on devrait dire qui “souhaite innover”), à besoin de fonds pour démarrer. Et on ne questionne plus la légitimité de cette réflexion, c’est devenu l’axiome d’une science implacable.
Ce Besoin en financement de l’innovation, avec un grand “B”, légitime donc toutes manifestations de mécontentement envers les investisseurs early stage, donc les VCs. Il légitime aussi le fait de ne pas entrevoir d’autres alternatives de développement (“ce n’est pas ma faute, c’est celle des investisseurs”).
Si le besoin en financement de l’innovation est devenu une religion que l’on ne peut pas remettre en cause, alors on a des œillères sur les options à disposition et surtout sur la capacité à évaluer une bonne stratégie de financement.
Pour cela j’ai une solution, elle commence par l’autre côté de la lorgnette, et donc la réflexion doit commencer par l’investisseur et non pas l’entrepreneur avec son entreprise. Vous allez voir que cela permet de mieux comprendre les contraintes de financement et donc ne pas faire des scénarios qui sont dès le début compromis, ou d’imaginer une destinée qui n’a aucun encrage avec la réalité (du marché).
Recalibrer l’équation du financement de l’innovation
Portfolio 🧮️
Donc n’imaginez pas que vous tout seul, vous faite partie d’une cohorte d’investissement…
Pour commencer il faut prendre en compte que l’investisseur réfléchi en termes de portfolio.
Donc n’imaginez pas que vous tout seul, vous faite partie d’une cohorte d’investissement, d’un millésime de fonds et donc l’investisseur valorisera votre entreprise et la sortie minimum viable qu’il pourra accepter, en fonction de la performance des autres entreprises de son portfolio.
Un portfolio, après 8 à 10 ans de maturation, devra performer à la hauteur de fois 3 la somme totale investie. Quelle sera votre place ? Serez-vous le '“fund returner” ? Une petite performance ? Un “write off” ? Et les autres lignes du portfolio ?
Pour un VC cette question compte, donc pour vous aussi. Mettez-vous dès le début dans le bon état d’esprit.
D’ailleurs je recommande à tous les entrepreneurs de s’amuser au moins une fois à simuler un fonds VC, c’est un très bon exercice. Pour cela je vous recommande de lire le travail de Ryan Hoover et l’outil de simulation qu’il a construit : Portfolio construction & how to model your fund.
Le potentiel de levée de fonds maximum 📊
On ne peut pas accumuler du capital sans avoir des comptes à rendre.
C’est le point clé.
Car le financement de votre entreprise est capé en fonction de la sortie que vous pourriez réaliser.
Un VC n’a pas de boule de cristal, mais il a une certaine expertise sur le marché de l’investissement et donc des sorties. Les meilleurs VCs ont un “benchmark” super précis en tête. Le GP d’un fonds VC, qui est dans l’industrie depuis plus de 20 ans, a consommé tellement de données et observé en profondeur le marché, qu’il a de très bonnes références pour savoir ce que le marché peut absorber ou pas en termes de sortie (que ce soit rachat d’une entreprise ou introduction en Bourse).
Ainsi il peut évaluer votre potentiel de sortie et donc calculer le potentiel de son portfolio, donc sa performance finale.
Pourquoi est-ce important de calculer le potentiel de sortie ? Car en fonction de ce potentiel, vous pouvez imaginer l’equity story optimum pour l’entreprise dans laquelle vous avez investi. Dit de façon moins technique : combien l’entreprise peut absorber de capital, pour qu’au final, la sortie soit équilibrée et donc performante ?
Il y a donc une capacité limite : Le potentiel de levée de fonds maximum.
Il semble évident qu’une entreprise ne peut pas lever plus que le montant de sa sortie (et pourtant j’ai vu des centaines d’entrepreneurs faire cette erreur).
Il semble aussi évident que de sortir une entreprise de moins de 10 ans d’existence à plusieurs milliards, avec seulement quelques millions d’euros investis au début de l’aventure, est une mission quasiment impossible.
Ou faire comme Instacart, lors de son entrée en bourse, et se retrouver avec une performance déséquilibrée de sa captable, les derniers investisseurs ayant acheté trop cher les nouvelles actions émises (source : Mads Capital) :
Où se trouve le juste milieu ? Et comment le calculer ?
Pour cela il vous faut une table de capitalisation prévisionnelle (c’est comme un BP pour les sujets d’equity), pour simuler les différents scénarios et vous habituer à faire facilement ce type de calcul.
Vous trouverez ci-dessous une table de calcul simplifiée, qui vous permettra d’avoir une échelle de valeur facile à mémoriser :
- Seed ⇒ €1,5M levé au total ⇒ sortie minimum €40M 🐕
- Series A⇒ €10M au total ⇒ €200M 🐎
- Series B ⇒ €30M⇒€450M 🦓
- Series C ⇒ €80M ⇒ €1Md🦄🦄
- Series D ⇒ €180M ⇒ €1,5Md🦄🦄
- Series E ⇒ €330M⇒ €3Md 🦄🦄🦄
Comme vous le voyez, avec cette table on peut commencer à anticiper de nombreuses questions stratégiques. Il y a une corrélation entre l’argent levé et la sortie. On ne peut pas accumuler du capital sans avoir des comptes à rendre.
Nous avons un outil à vous proposer pour simuler vos scénarios de tables de capitalsition :
La sortie 💰
Votre besoin en financement doit être corrélé avec le potentiel de sortie de votre entreprise.
En pratique tout doit commencer par la sortie.
Réfléchir sur les besoins de financement d’une entreprise, commence par se poser la question de la sortie potentielle.
🤚 On ne doit pas commencer les moyens requis pour réaliser son projet, cela biaise la réflexion. On ancre sa réflexion stratégique sur ce sujet et on rêve de licorne et de valorisation sortie de leur contexte. On rêve et on fait des BP, voir des pitch decks fantasmés. On se prend au piège soit même.
Votre besoin en financement doit être corrélé avec le potentiel de sortie de votre entreprise. Et qui mieux que vous pour l’évaluer, n’êtes-vous pas un expert du marché que vous adressez ?
Vous êtes supposé connaître votre marché par cœur. Et donc vous devez connaître les equity stories des entreprises qui vous ont précédé. Vous devez aussi connaître la profondeur de votre marché (au moins le sentir). Sans être un VC vétéran, vous devez avoir un minimum de connaissance sur les sujets d’investissement et donc de sortie. Le sujet doit vous passionner autant qu’il passionne les investisseurs early stage. Trop souvent les entrepreneurs ne s’intéressent qu’à la partie investissement et pas désinvestissement (sortie).
L’arbre de probabilité des possibles 🔮
Personne n’est à l’abri de faire un coup décisif de faire un home-run…
J’aimerais apporter une nuance, qui m’a été suggérée par un investisseur que j’apprécie spécialement, Alexis Robert (Partner chez Kima Ventures) : L’arbre de probabilité des possibles.
C’est quoi ce concept ?
C’est un concept complémentaire à celui que je vous propose, qui permet d’avoir dans un coin de la tête une sortie supérieure à celle anticipée : “Et si jamais nous allions plus loin que la sortie identifiée, pourrait-on potentiellement être un fund-returner ou un home-run pour un fonds VC ?”.
L’idée est de ne pas fermer la porte à une plus grosse ambition et profiter de courants favorables qui permettraient d’envisager une plus grosse sortie, donc des tours d’investissement supplémentaires qui n’était prévu au départ.
Personne n’est à l’abri de faire un coup décisif de faire un home-run, gardé l’option en tête 😉 :
N’hésitez donc pas à nous contacter, nous sommes là pour vous aider :
julien@mightynine.co ou sur Linkedin